Ciao.
LE RETOUR DE LA DS CITROËN
Un docu-fiction dans les souvenirs épiques de Philippe Georjan (14 ans en 1966)
Les plus fidèles visiteurs de Circuit Mortel connaissent déjà Philippe Georjan qui est apparu à plusieurs reprises sur le blog Circuit Mortel (notamment récemment dans Le clin d’œil de Philippe Georjan à la R8 Gorde). Bientôt, je ferai partager aux lecteurs de mes romans et nouvelles la vie de Philippe et de ses proches. Mais en attendant, voici les commentaires qu’il m’a livrés sur le retour de le DS Citroën. Car qui mieux que lui pouvait parler de la DS, un mythe automobile dont le sigle sera repris dès 2010 sur des modèles de la marque aus chevrons ?
Pour profiter pleinement de la DS, imaginez-vous au cœur des années 60, recréez dans votre esprit l’insouciance de ces années merveilleuses, écoutez des tubes de Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, France Gall, Serge Gainsbourg, Dalida, Michel Sardou et des autres stars qui firent les sixties.
Vous êtes au volant d’une DS 21 d’époque. Devant vous, le petit levier d’une boite auto qui se manie presque comme la commande au volant d’une transmission de F1 futuriste. La sonnerie du portable ne vous dérangera pas. Personne n’a encore inventé ce matériel. Pas de radar à l’horizon, pas de limitations de vitesses. Rien que du plaisir. Le bonheur des années qui deviendront Vintage. Vous avez tourné le bouton du volume de l’autoradio à fond vers la droite. Vous chantez à tue-tête avec Johnny.
Si les mots suffisaient
Pour tout réaliser
Tout en restant assis
Avec les bras croisés
Je sais que dans une cage
Je serais enfermé
Mais c'est une autre histoire
Que de m'y faire entrer
Da-da-da-da-dam
Da-da-da-da-dam
Ça y est, vous êtes dans l’ambiance ?Oui ? Alors Philippe peut vous raconter la DS, ou plus exactement sa vision de la DS !
« Les plus jeunes ne se souviennent sans doute pas beaucoup de la DS, raconte Philippe Georjan. Mais la DS représenta une voiture à part durant les sixties et les seventies, ainsi qu’a fortiori à sa sortie en 1955. Regardez son look futuriste et comparez le aux autres grosses voitures de l’époque, les Peugeot 403, les Renault Frégate, les Simca Versailles et Chambord. Même quelques années plus tard, les lignes de la DS paraissaient plus fluides et plus modernes que celles de ses principales rivales telles que la Peugeot 404, la Renault 16, la Fiat 125, la Ford 20 M ou l’Opel Rekord. Et lorsque sa production cessa en 1975, la DS ne paraissait pas dépassée face à la Peugeot 504 ni à la Renault 30 qui débarquait dans les concessions de la marque au losange.
J’ai souvent roulé en DS quand j’étais gamin et adolescent car le père de mon cousin Laurent – c'est-à-dire mon oncle - était un ciroëniste convaincu. Il posséda successivement toute la gamme des DS. Je me souviens particulièrement de ses DS 21 et DS 23 qui étaient très belles et permettaient de rouler plus vite que la moyenne sur les routes.
Unanimement reconnue comme une grande routière, la DS connut aussi une jolie carrière en compétition. Sur le goudron, elle ne faisait pas le poids face à des berlines sportives telles que la Cortina Lotus, la BMW 1600 TI, la R8 Gordini, la NSU TT ou la Cooper S. Par contre, elle tirait remarquablement son épingle du jeu sur la terre et sur la neige. En 1965 et 1966, Laurent et moi débattions souvent avec acharnement des mérites respectifs des Cooper S et des DS 21. Je me souviens particulièrement du Monte-Carlo 1966. J’espérais une victoire Cooper. Laurent pariait sur un triomphe des DS. Nous suivîmes la course avec passion, écoutant les reportages de Radio Monte Carlo, même la nuit en cachette de nos parents dans la demeure familiale. Tous les matins, nous lisions la rubrique Sports de Ouest-France avant de partir au collège. Au début, tout se passa au mieux dans le sens de mes convictions et je ne manquais pas de charrier Laurent. Les Cooper S dominaient la course. Timo Mäkinen – déjà vainqueur en 1965 - devançant Aaltonen et Hopkirk. J’exultais. Je voulais faire de la compétition plus tard. Je m’imaginais débutant sur une Cooper S sans réaliser encore que l’évolution de la production et des homologations me conduirait fatalement à choisir un autre modèle. Il était déjà convenu que mon cousin me naviguerait en rallye. Mais si Laurent se voyait très bien dans le rôle de navigateur sur Cooper S, il voulait voir les DS gagner tant que nous ne courions pas.
« Laurent ne tarda pas à obtenir sa revanche. Les trois Cooper S furent déclassées pour utilisation de phares non conformes à la réglementation routière française. La Ford Cortina Lotus de Roger Clark, quatrième à l’arrivée sur le port de Monaco, subit le même sort. De telle sorte qu’à l’issue des sanctions administratives, le gagnant était … la DS 21 de Pauli Toivonen initialement classé cinquième. Bob Neyret, quatrième, Guy Verrier, septième, et Claude Laurent, neuvième, complétaient la performance d’ensemble des DS 21. L’édition du Monte-Carlo 1966 se termina dans le tumulte et la confusion. Les pilotes britanniques refusèrent de se rendre au dîner officiel de clôture de l’épreuve. BMC et les autres concurrents anglais menacèrent de boycotter la course en 1967 de telle sorte que certains journalistes se demandèrent s’ils n’assistaient pas à la fin du Rallye de Monte-Carlo.
« A la maison, le débat se termina en match de catch entre Laurent et moi. C’était l’époque où le truculent Roger Couderc animait les fins de soirées du samedi soir en commentant les matchs du Petit Prince, de l’Ange blanc, du Bourreau de Béthune, de Duranton (assisté de son valet) et des autres stars du sport spectacle très manichéen qu’était le catch français à l’époque. Mon cousin et moi étions à peu près de même force et possédions le même niveau de judo. Ce soir-là, le combat s’arrêta avant son terme lorsque nos mères commencèrent à s’énerver parce que nous ne descendions pas dîner. Je ne m’en plaignis pas. Laurent avait réussi une prise dont je ne n’arrivais pas à me sortir et je n’étais pas loin de m’avouer vaincu. En outre, nous étions déjà des gourmets éduqués dans la bonne et saine tradition de la gastronomie. C’eût été une faute de goût, un crime de lèse - savoir-vivre que de faire attendre plus longtemps le velouté de moules, le bœuf aux carottes et la salade d’ananas frais au kirch préparés par Titine, l’employée de maison de la famille. Notre brave Titine conduisait à peu près aussi mal que la sœur de Fernand Raynaud dans ses sketchs. Sa Daf automatique pardonnait heureusement toutes les erreurs et ne lui permettait pas de jouer les Pat Moss au volant. Mais si l’art de la conduite lui restait étranger, Titine cuisinait comme un chef distingué par le prestigieux Guide Michelin. Une DS, eeuuuuhhhhh… pardon, une déesse des fourneaux. Quelques années plus tard, avant de partir disputer notre premier rallye avec une R 12 Gordini, Laurent et moi répondrions à ses conseils de prudence – conseils que nous n’avions pas l’intention de suivre, naturellement – en la félicitant pour les arômes magiques de ses chefs d’œuvres culinaires qui dopaient nos sens et notre forme sans faire craindre les foudres d’un contrôle anti-dopage.
« Le lecteur l’aura compris, ce ne serait ni en Cooper S ni en DS 21 que nous ferions nos armes en rallye. Mais en 1966, nous nous passionnions à l’extrême pour les mérites comparés de ces remarquables voitures. Contrairement à la soupe, la vengeance est un plat qui se mange froid. J’aurais la mienne au Monte-Carlo suivant, en 1967, lorsqu’Aaltonen s’imposerait sans qu’un déclassement au profit des DS vienne cette fois le priver de la victoire.
La DS 21 a également brillé au Marathon Londres Sydney de 1968.
(cf. l’évocation de cette course sur Circuit Mortel :
http://circuitmortel.hautetfort.com/archive/2008/01/18/la...
Si les DS 19, 21 et 23 participèrent à des compétitions, elles furent aussi les voitures de tourisme favorites de nombreux pilotes. Deux raisons principales à cela. D’une part, elles offraient un confort remarquable, tout au moins aux places avant. Derrière, les passagers avaient parfois mal au cœur car la tendance naturelle de la voiture à monter et à descendre comme sur des vagues océaniques un jour de tempête donnait le mal de mer. D’autre part, c’était la meilleure voiture tractrice du marché grâce à sa fameuse suspension hydro. Quantité de monoplaces, prototypes, GT ou voitures dites de tourisme de série voyagèrent sur plateau de circuits en rallyes et en courses de côtes derrière une DS !
« Je me rappelle à ce sujet une anecdote rapportée pat les frères Tourquen en 1973. L’un, Jean-Jacques, pilotait une Alpine groupe 4 en rallye et en course de côte. L’autre, Serge, le naviguait en rallye et l’accompagnait sur toutes les courses de côtes. Ils tractaient l’Alpine avec une DS 23 injection électronique de couleur bordeaux métallisé. Un dimanche soir, en rentrant d’une course de côte, ils se sont fait radariser à 135 à l’entrée d’une agglomération. C’était la tombée de la nuit. Le flic planqué dans son Estafette Magasins bleus dans une entrée de maison a juste vu une DS couleur sombre. A la récupération, les frères Tourquen ont joué les victimes indignées d’une erreur judiciaire. « Quoi ? A 135 pour 60, mais vous n’y pensez pas. Avec le plateau derrière, on ne peut pas dépasser le 80, mon bon monsieur… Mais maintenant que vous le dites, on s’est fait doubler par une autre DS, sans plateau celle-là, qui a pilé devant nous pour tourner dans une petite rue. C’est celui-là que vous avez dû prendre. Il envoyait le gars, et à la façon dont il s’est barré dans la ruelle, il ne devait se sentir tranquille. C’est peut-être une voiture volée ». Naturellement, il n’y avait pas d’autre DS. La berline Citroën était bien capable de rouler à 135 et même plus avec une Alpine sur plateau en remorque. Les frères Tourquen s’en sont tirés au bénéfice du doute et parce que les gendarmes ne croyaient pas possible qu’une DS avec plateau ait pu rouler à cette vitesse-là.
« La nouvelle génération de DS qui va sortir en 2010 ne vivra pas les mêmes aventures, c’est certain. Mais elle correspond à un sympathique retour de la mode des années 50, 60 et 70. Le monde du spectacle exploite cette tendance liée à la nostalgie d’années de tourbillons et d’insouciance. Le 50ème anniversaire de Salut les Copains est dignement célébré. Jean-Marie Périer, Jean-Jacques Debout et d’autres témoins de cette belle époque sont régulièrement invités sur les plateaux de télévision pour raconter leurs souvenirs. Les tournées Âge tendre et têtes de bois apportent une superbe illustration du retour en force de l’esprit Vintage, tout comme l’arrivée massive chez les diffuseurs de presse des DVD des séries télévisées des sixties. Même Zorro s’accapare un créneau de prime time le dimanche soir sur une grande chaîne de télévision. VW avec un modèle inspiré de la Coccinelle, BMW avec la nouvelle Mini Cooper, Fiat avec la nouvelle 500 qui fait chavirer les cœurs ont su surfer sur cette vague. Citroën a certainement raison de rappeler une belle page de son histoire en réveillant le sigle DS. Une franche déception toutefois. Les futures DS ne seront que des versions haut de gamme des modèles Citroën. Nous aurions tant aimé une vraie DS à la fois Vintage et moderne ! Sébastien Loeb a beaucoup apporté à l’image de Citroën. Il a aidé la marque aux chevrons à rajeunir sa clientèle. Souhaitons qu’une note de fantaisie et de rétro alliée aux succès sportifs de notre Seb national contribuent à tirer Citroën vers le haut, d’autant qu’en cette période de crise économique, toute bonne nouvelle pour la santé d’une entreprise est aussi synonyme d’espoirs au niveau de l’emploi.
Thierry Le Bras
(ou plutôt, comme les personnages de fiction vivent dans un univers parallèle où ils entraînent leur créateur et leurs lecteurs, je devrais plutôt terminer ce texte en inscrivant la mention Propos recueillis par Thierry Le Bras